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15 octobre 2006 7 15 /10 /octobre /2006 20:44

" We're just normal guys trying to make interesting music." Ainsi se présentent les Flaming Lips. Les Lips (ça fait cool de dire ça, comme tous les types qui disent le Floyd au lieu de Pink Floyd) sont un groupe " that comes all the way from Oklahoma city ladies and gentlemen !!! " juste pour vous faire planer. Et ça fait vingt ans et onze albums que ça dure.

Au début, c'était des tarés qui faisaient du punk avec des coupes de cheveux pas possibles, les amplis à fond. Maintenant, ce sont toujours des tarés mais la musique a beaucoup évolué, elle est devenue expérimentale et mélodique, parfois mélancolique, souvent délirante, en tout cas toujours inventive.

Ils ont signé en 92 chez Warner Records, une major, donc. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que chez Warner on leur fout une paix royale. On leur a même laissé sortir un truc dément, parfaitement invendable en ce bas-monde : Zaireeka. En fait il s'agit d'un album constitué de quatre cds, à écouter simultanément. Hum. Ce qui implique d'avoir quatre bras, quatre lecteurs de cds, et de coordonner tout ça pour les faire partir exactement au même moment. Ou alors d'avoir trois potes prêts à tenter l'expérience - c'est un appel du pied que je lance là. Sachant qu'aucun lecteur ne va pile à la même vitesse, même en lançant la lecture au même instant, chaque expérience de Zaireeka ne peut qu'être unique. Les Flaming Lips ont ensuite organisé les Parking lot experiences soit une série de concerts (?) dans lesquels les spectateurs se voyaient remettre une cassette audio d'un des enregistrements de Zaireeka et devaient les déclencher ensemble, tout ça dans un parking. Le plus beau dans cette fumeuse affaire c'est que la musique de Zaireeka est géniale.

Et puis il y a eu The Soft bulletin, nouveau chef-d'oeuvre de la bande à Wayne Coyne. Un album magique qui a mis pas mal de monde à genoux et tant mieux pour ces petits gars de l'Oklahoma.

Pouvoir embrasser toute leur discographie, des albums brouillons des débuts aux sommets de Zaireeka et The soft bulletin est juste un pur bonheur. On se met à chercher à quel moment le talent mélodique du groupe a commencé à se développer et on se rend compte que très tôt ces gars-là étaient franchement doués. Et puis il y a ce documentaire passionnant qui colle parfaitement à l'univers du groupe et qui permet de se donner une bonne idée de l'univers barré des Lips. Fearless freaks raconte en 1h45 les 25 années des Flaming Lips, en commençant quand ils ne s'appelaient pas encore comme ça. On y voit une bande de potes à l'imagination intarissable qui se remet en question à chaque album, sans se prendre la tête. Car chez les Lips, on est pas là pour se prendre au sérieux. Et, invariablement, chaque album file la banane, vous recharge les batteries, vous fait du bien. Et Wayne Coyne est le seul type au monde qui pourrait me faire agiter les bras comme un débile pendant un concert, parce qu'il est trop bon et sincère dans ce qu'il fait.

Les concerts des Flaming Lips sont des moments précieux et uniques. Il y a eu la période The Soft bulletin avec un Wayne Coyne qui avait du faux sang sur sa tête, pour coller au texte d'un des morceaux de l'album ("I accidentely touched my head and noticed that I've been bleeding") en rapport avec ce qui était arrivé à Miles Davis (qui s'était fait tabasser par un flic alors qu'il prenait une pause entre deux sets), la période de la bulle (une bulle géante dans laquelle Wayne Coyne se baladait, porté par le public), la période lapin géant...

Aux dernières nouvelles, ils tournent un film intitulé Christmas on mars, dans leur jardin...
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11 octobre 2006 3 11 /10 /octobre /2006 10:00

J'ai vu L'impasse (Carlito's way en V.O.) pour la première fois il y a quelques mois, sur les conseils d'un ami. J'avais loué le dvd. Grossière erreur. J'aurais dû l'acheter - ce qui est chose faite depuis peu. J'ai donc pu revoir ce chef-d'oeuvre pas plus tard qu'hier, et comme avec tous les grands films, c'est encore plus fort à la deuxième vision, puis à la troisième, à la quatrième... (pour moi il y aura une troisième, une quatrième...)

Dès le générique, il ne fait aucun doute qu'on est devant un film de De Palma : long plan séquence, au ralenti,
avec des mouvements de caméra typique du cinéaste, et Pacino est de nouveau de la partie, après Scarface. L'histoire est simple : Carlito Brigante (Al Pacino) est un dealer qui a pris 30 ans, mais que son avocat Kleinfeld (Sean Penn) réussit à faire sortir au bout de cinq ans pour vice de procédure. Décidé à se ranger, Brigante n'a plus qu'une idée en tête : se faire oublier, réunir le plus vite possible 75 000 dollars et s'envoler pour les îles pour s'associer à un ami et... louer des voitures.  Entre temps, son nom est devenu une légende dans la rue et personne n'est réellement prêt à le voir prendre sa retraite.

La voix-off de Pacino hante tout le film alors qu'on voit le piège se refermer lentement mais sûrement sur Carlito. Les mauvaises fréquentations reviennent lui tourner autour à peine a-t-il mis le pied dans le quartier qui l'a consacré big boss de la came. Mais Carlito s'accroche à son rêve, et coupe court à toutes les propositions : non, je suis à la retraite, foutez-moi la paix. Il reprend une boîte de nuit et commence à réunir les 75 000 dollars, précieux sésame pour une nouvelle vie. Il y croise un jeune dealer aux dents longues "Benny Blanco du Bronx" et ne supporte pas de voir dans ce gamin ce qu'il était autrefois. Il retrouve aussi Gail, une danseuse avec qui il était avant la prison, la séduit à nouveau et lui confie son envie de prendre le large. Ce retour aux sources pour Carlito est filmé magistralement par De Palma, la scène dans laquelle Pacino se retrouve sur le toit d'un immeuble, sous une pluie battante, pour y voir Gail, est intouchable.

Le film est sorti en 94 en France, et a révélé bon  nombre d'acteurs, comme Sean Penn qui campe un avocat véreux et cocaïnomane, qui fricote avec plus fort que lui, ou encore Viggo Mortensen en pathétique loser, truand à la petite semaine qui finit cloué dans un fauteuil à faire la pute pour le gouvernement pour espérer une remise de peine. Pacino est fantastique, mais est-ce une surprise ? A-t-il seulement été moyen un jour dans sa vie ce type ? Il est le seul acteur à avoir pu jouer avec autant de génie tous les aspects du mafieux, du classieux parrain de Coppola, en passant par le pauvre presse-bouton dans Donnie Brasco, il sait tout faire.

De Palma n'est pas en reste, il nous refait même le coup des Incorruptibles, avec un final à couper le souffle dans une gare. Sauf qu'ici le bébé balotté dans son berceau qui dévale les marches semble être Carlito lui-même, pris au piège, traqué, courant après son rêve - un train pour Miami, puis un avion direction les îles - et le manquant de peu. Les escalators ont remplacé les marches glacées de la gare des Incorruptibles, mais la même tension règne. Moi aussi je tomberai à chaque fois dans le piège tendu par De Palma, en voyant Pacino si fragile en Carlito, petit dealer portoricain qui recherche la rédemption et qui n'y aura jamais droit, celui de nous faire croire le temps des 2h20 que dure le film qu'il a peut-être une chance, qu'il doit s'en sortir. Mais L'impasse n'est pas un conte de fées. Gail n'est pas la danseuse qu'elle a toujours rêvé d'être, mais cachetonne dans une boîte de strip-tease, Kleinfeld n'est pas le brillant avocat qu'il prétend être, mais un pourri qui joue mal le coup. Les amis de Carlito ne sont que des petites frappes qui ignorent tout du code d'honneur. Seul Carlito est réellement ce qu'il dit être et il va payer pour ça. Cruelle morale, non ?
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8 octobre 2006 7 08 /10 /octobre /2006 12:56

Ce n'est jamais facile d'être un fils de, encore moins quand on s'appelle Lennon et qu'on a choisi de faire de la musique - pop qui plus est. Sean Lennon, donc, fils de John, s'est lancé dans l'aventure et vient de sortir son deuxième album Friendly Fire. Courageux, le garçon. D'abord parce qu'il vient chasser sur les terres des Beatles, ce qui est vite casse-gueule, et puis parce qu'il n'hésite pas à jouer de sa ressemblance physique avec son glorieux géniteur, ce qui aura vite fait d'agacer les cyniques et lui vaudra sûrement une volée de bois vert de la part des critiques. Sauf que ce Lennon-ci n'a - tout comme son père - pas oublié d'être talentueux. Voire même très talentueux. Il existe peut-être un gène chez les Lennon, celui de la mélodie à tomber par terre, d'une évidence sidérante mais dont seule une poignée de types a le secret.

Friendly fire est donc une merveille de pop mélancolique, raffinée, aux mélodies à se fredonner en boucle toute la journée. Alors, bien-sûr, Sean Lennon n'a rien inventé (son père et Mac Cartney s'en sont chargé avant lui), mais il possède une qualité d'écriture saisissante, et un univers qui, bien que calqué sur celui des Beatles, est franchement intéressant. En témoigne le dvd qui accompagne l'album, constitué de court-métrages réalisés par Sean Lennon pour chacune des dix pépites du disque. On y voit Lennon dans plusieurs rôles, et c'est franchement troublant. J'ai eu l'impression de voir un fantôme tant la ressemblance avec son père est hallucinante.

Cet album a sa place tout près de ceux des Beatles et je ne passerai pas cet hiver sans me réchauffer avec ces chansons géniales. Une chose est sûre, il va falloir compter avec un autre Lennon désormais.
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4 octobre 2006 3 04 /10 /octobre /2006 19:03

On a beau fermer les yeux, s'interdire d'y penser, se dire que pour nous tout va bien et au diable les autres, se voiler la face, vivre comme si il n'existait pas, ou en tout cas pas dans notre petit univers, rien n'y fait, il finit toujours par nous rattraper. Dans le pire des cas on peut même y être confronté. Le mal se rappelle toujours un jour ou l'autre à notre souvenir.

Le vent se lève de Ken Loach, dernière palme d'or cannoise en date, est sorti sur les écrans il y a peu. Le film livre une réflexion profonde sur le mal, et ce qu'il engendre.

1920. L'Angleterre commet l'irréparable en Irlande, n'hésitant pas à faire taire les particularités irlandaises à coup de tortures et d'assassinats. La résistance irlandaise s'organise, et répond coup pour coup aux exactions commises par les Anglais.
A la brutalité anglaise répond l'intransigeance des résistants, qui ne tolèrent aucun faux-pas et exigent un engagement sans borne, n'hésitant pas à tuer les traîtres fussent-ils âgés de 17 ans, ami d'enfance et sans défense. C'est précisement cette intransigeance idéologique, qui fait perdre pied à bon nombre d'Irlandais, les transformant en assassins alors qu'ils sont médecins, ouvriers ou que sais-je encore, qui est au centre du film. Loach appuie là où ça fait mal, et nous pose des questions essentielles. Seriez-vous prêt à user de la même violence que vos adversaires ? A prendre les armes pour une cause qui vous semble juste ? A tuer votre propre frère si ses convictions se révélaient diamétralement opposées aux vôtres ?

Magistrale démonstration du cinéaste anglais : ceux qui subisssent la violence et ne peuvent y opposer aucune résistance ne sont pas les perdants (la vieille irlandaise qui a vu son petit-fils mourir et sa ferme incendiée décide de rester coûte que coûte). Non, ce sont bien ceux qui prennent les armes et se défendent qui sont damnés. Ils deviennent ce qu'ils n'auraient jamais dû devenir, ils franchissent un point de non-retour, comme quand le personnage joué par l'excellent Cillian Murphy tue un jeune Irlandais qui a été contraint de dénoncer ses amis.

Le tour de force du film est de nous faire prendre fait et cause pour les Irlandais dès le début. Eh oui, comment ne peut pas réagir devant la violence, la barbarie, la bêtise sans fond des Anglais ? Le cinéaste semble nous demander : "et vous, vous auriez fait quoi ?" et met ainsi à nu le mal
qui se tapit en chacun de nous, au plus profond. Puis il nous montre la descente aux enfers des quelques résistants qui ont choisi la violence, leur enlisement, leur déshumanisation - ce qui guette tout être humain normalement constitué placé dans une situation profondément injuste.

Il nous force à ouvrir les yeux sur ce mal qui ne demande qu'à se manifester, souvent malgré nous. Puisse l'occasion ne jamais se présenter. J'ai choisi de fermer les yeux, j'ai trop peur de les ouvrir.
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28 septembre 2006 4 28 /09 /septembre /2006 18:09




Qui est Billy Budd ? Un énigmatique jeune marin, beau en diable, personnage melvillien comme seul l'auteur de Moby Dick en a le secret, qui fascina quelques lecteurs dans le monde dont un certain Morrissey, qui lui consacra une chanson - la bien-nommée Billy Budd - dans ce qui restera comme son chef-d'oeuvre et probablement un des plus grands disques des années 90, Vauxhall and I. J'ai donc découvert Melville grâce à Morrissey. Bien-sûr, l'homosexualité latente qui se dégage des pages de Melville a dû toucher le chanteur des Smiths, mais ce serait réducteur de s'arrêter là. Alors qu'est-ce qui a fasciné le mancunien au point de chanter qu'il perdrait volontiers ses deux jambes pour libérer Billy Budd " i would happily lose both of my legs, if it meant you could be free " ?

Billy Budd, marin
est une nouvelle que Melville a écrite à la fin de sa vie, dans l'indifférence générale (son génie ne sera reconnu que plus tard au 20è siècle), et qui conte la condamnation à mort de ce jeune et beau marin, condamnation que personne ne souhaite réellement mais que le code en vigueur rend obligatoire. Comme d'habitude chez Melville les thèmes bibliques sont omniprésents. Ici, le sacrifice de Billy, devant tout le personnel du bateau rappelle le sacrifice du Christ. Mais plus que ces habiles allégories, c'est bien le personnage en lui-même qui ne peut que troubler. Melville est un écrivain hors-pair lorsqu'il s'agit de saisir au mieux la psychologie de ses personnages, leur profondeur, leurs paradoxes, et tout comme Ismahel dans Moby Dick, ou Bartleby dans la nouvelle éponyme, Billy Budd prend corps dans ce récit d'une manière saisissante, tout en demeurant profondément mystérieux.

Décrit comme étant d'une beauté à nulle autre pareille, le jeune Billy est aussi une âme pure, l'innocence même. Ses seuls défauts sont une trop grande naïveté et un problème d'élocution dans les moments les plus importants. Un tel marin ne peut que susciter admiration et jalousie auprès des autres membres de l'équipage. Et c'est précisement ce qui entraînera sa condamnation.
 
Tout au long de la nouvelle, le destin de Billy ne fait aucun doute, et c'est ce qui le rend encore plus attachant. Alors oui, moi aussi je perdrais volontiers mes deux jambes pour le sauver, ce Billy Budd, marin.
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20 septembre 2006 3 20 /09 /septembre /2006 14:49



Les Black Keys viennent de sortir il y a quelques jours leur nouvel album Magic Potion et, comme d'habitude avec eux, c'est excellent. Je suis dingue de leur son, mais alors complètement dingue. Originaire de l'Ohio, ce duo guitare-batterie est juste ce qui se fait de plus jouissif en matière de blues qui file la pêche. Comment deux petits mecs du fin fond des Etats-Unis, qui enregistrent chez eux, font-ils pour obtenir ce son, voilà un mystère, mais le moins qu'on puisse dire c'est que c'est sacrément addictif. En fait, il n'y a peut-être pas tant de mystère que ça. On a juste deux types qui jouent la musique qu'ils ont dans le sang, sans se poser de questions, sans plan de carrière, tranquillement.

Bien-sûr, le blues c'est pas nouveau, mais on n'a pas l'impression, en les écoutant, qu'ils essaient de jouer à la manière de, ou qu'ils tentent un revival quelconque, ou pire qu'ils n'osent pas maltraiter cette musique, qu'ils se montrent trop respectueux. Non, le blues coule tout naturellement
chez eux. D'ailleurs, même s'ils ne sont que deux, leur musique a un groove ahurissant, et les riffs que pond le guitariste Dan Auerbach sont déments, il a de l'or dans les doigts. Quant à la voix de ce même Dan, elle paraît sans âge et est incroyable.

Alors pour tout ça, et parce qu'ils sont capables de douceurs comme You're the one, de blues sans concessions, de morceaux plus orageux comme The flame et qu'ils ont un son béni des dieux, je vais me gaver de leur potion magique pendant un bon moment, en remuant la tête béatement, en tapant du pied, et en me buvant une bonne bière. Longue vie aux Black Keys.
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18 septembre 2006 1 18 /09 /septembre /2006 12:52

Cela faisait longtemps déjà que cette édition Quarto, rassemblant sept romans de Kerouac, ainsi que des articles et des lettres de l'écrivain, me faisait de l'oeil. D'abord dans les diverses librairies où je flânais (où je flâne toujours d'ailleurs) puis, une fois achetée, dans ma maigre - pour l'instant - bibliothèque. Les quelques 1500 pages du volume m'ont tenu à bonne distance de cette lecture pendant plusieurs mois - m'étant promis de me replonger dans l'oeuvre de Kerouac dès que j'aurais un peu plus de temps, puisque je voulais lire ce qui s'apparente à La légende de Duluoz d'une seule traite. Je dis "s'apparente" car il s'agit en fait de choix éditoriaux effectués par Gallimard. Ainsi, certains romans qui auraient pu être insérés dans La légende sont absents de ce Quarto. Néanmoins, la lecture de ce volume permet de mesurer l'importance du style de Kerouac et d'avoir une vue d'ensemble sur ce qu'est cette Légende de Duluoz.

Kerouac aura toujours eu pour ambition de créer une oeuvre cohérente, racontant son errance sur la route, et traçant le portrait de ses amis, et le moins qu'on puisse dire c'est que la lecture de ce Quarto laisse pantelant, une foule d'images en tête avec la sensation que l'ambition première de l'écrivain a été atteinte magistralement.

Des traversées des Etats-Unis en stop aux virées dans des bars au Mexique, en passant par la noirceur d'amours impossibles (relatées dans les magnifiques Tristessa, et Les souterrains), des nuits d'ivresse aux accès de mysticisme, des galères aux éternels retours, la vie de l'écrivain défile sous nos yeux à toute allure. Pour mieux repartir de plus belle dès que l'appel de la route est trop fort. La légende de Duluoz est une légende américaine, entière, parfois violente et désespérée, souvent éclairée par une volonté de vivre à fond, d'aimer et de goûter à tout, de rencontrer l'autre et de témoigner de sa vie le plus honnêtement possible. Beaucoup de personnages secondaires, croisés par Kerouac lors de ses traversées d'Est en Ouest, font l'objet de descriptions méticuleuses ou amusées, toujours respectueuses, et c'est un autre visage de l'Amérique qu'on découvre, un reflet plus souterrain. Difficile dès lors de ne pas évoquer Neal Cassady, ami de Kerouac et personnage central de Sur la route,
roman le plus connu de l'écrivain.


La photo est saisissante - pour peu que l'on se soit immergé dans l'oeuvre de Kerouac. Neal Cassady
et Jack Kerouac posant bras-dessus bras-dessous en 1952. On dirait deux frères. Et, de fait, Kerouac a probablement dû rêver Cassady en possible frère, lui qui restera à jamais marqué par la mort de son aîné Gérard, alors âgé de neuf ans et lui quatre. Neal Cassady synthétisera à lui seul cette génération qu'on a qualifiée de Beat, ces américains qui ont tenté de vivre autrement, différement de leurs contemporains. Personnage entier, fascinant, Neal Cassady rongera littéralement Kerouac, qui était prêt à le suivre n'importe où, tout en sachant que Cassady pouvait le laisser tomber à tout moment et surtout pas dans les meilleures conditions. La personnalité de ce type hors du commun a donné lieu à des pages à ranger parmi les plus importantes de la littérature américaine de la seconde moitié du 20è siècle. Certaines de ses lettres sont considérées comme des chef-d'oeuvres par Kerouac.

La quatrième de couverture de l'édition de poche de Sur la route reprenait un extrait du roman  dans lequel Kerouac le décrivait ainsi : "Un gars de l'ouest, de la race solaire, tel était Dean. Ma tante avait beau me mettre en garde contre les histoires que j'aurais aveclui, j'allais entendre l'appel d'une vie neuve, voir un horizon neuf, me fier à tout ça en pleine jeunesse ; et si je devais avoir quelques ennuis, si même Dean devait ne plus me vouloir comme copain, et me laisser tomber, comme il le ferait plus tard, crevant de faim sur un trottoir ou sur un lit d'hôpital, qu'est-ce que cela pouvait me foutre ? J'étais un jeune écrivain et je me sentais des ailes. Quelque part sur le chemin je savais qu'il y aurait des filles, des visions, tout quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare".

Qui était ce Dean ? Ce Kerouac allait-il dénicher la perle rare ? Je n'ai pas pu résister longtemps et j'ai dévoré Sur la route, à 200 à l'heure, pile au bon moment, à 16 ou 17 ans, pour répondre à ces questions et surtout pour savoir si toutes les promesses de ce court texte reproduit au dos du livre étaient tenues ou non. Depuis je l'ai lu et relu et j'ai dévoré de la même façon pas mal de ses textes. Je ne suis pas le seul à qui cette quatrième de couverture a changé la vie, alors si vous pensez qu'il existe une autre Amérique, ouvrez donc n'importe quel livre de Kerouac et laissez-vous embarquer. Qui sait, ça changera peut-être votre vie ?

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14 septembre 2006 4 14 /09 /septembre /2006 17:31

Il se passe rarement plus de quelques mois sans que ça me reprenne. Je le sens venir petit à petit. Le manque. Je ne résiste généralement pas longtemps avant de me ruer sur un des dvds de la saga Star Wars. Et voilà, pas plus tard qu'hier, ça m'a repris. J'ai eu besoin de ma dose de Jedi, d'étoile de la mort, de Han Solo, de princesse Leia, de Yoda, d'obi Wan Kenobi et de Jabba le Hutt.

L'univers de ces films est tellement riche que ce n'est jamais pour les mêmes raisons que je regarde un des six épisodes. Là, c'est surtout la tension dans le dernier duel entre Luke et Dark Vador qui m'a poussé à revoir l'ultime épisode de La Guerre des étoiles. Tout le passage dans la sombre salle de l'étoile de la mort, avec l'Empereur plus terrifiant et haïssable que jamais et Luke qui se débat pour ne pas se laisser envahir par la colère, brrr ça me colle immanquablement des frissons. De toute façon, il suffit d'entendre la musique de John Williams et de voir le texte défiler pour décoller immédiatement.

Avec La revanche des Sith, la saga s'est enrichie d'un sixième épisode et un des mythes les plus prégnants du 20è siècle - avec l'oeuvre de Tolkien - s'est achevé. Ce qui fait que mon choix lorsque le manque se fait sentir est plus large. Parfois je me lance dans l'épisode 1 pour la course de pods et pour le duel Dark Maul/Qui Gon-Obi Wan, ou alors j'ai envie de m'en mettre plein les yeux sur Coruscant, cette planète-mégapole qui rappelle New York, ou je regarde religieusement Luke recevoir l'enseignement de Maître Yoda sur Dagobah. Ou simplement je lance l'épisode 4, pour voir Obi Wan lancer son "Hello there" à R2D2.

Avec ces films, je suis comme un gosse. Je me souviens d'avoir été heureux comme quand, gamin, j'ouvrais les paquets à Noël, lorsque j'ai reçu le coffret dvd de la première trilogie - commandé en pré-vente sur internet. La puissance de l'histoire, la profondeur de l'univers créé par Lucas font qu'il est absolument impossible que je m'en lasse un jour. Un peu comme les tout petits qui demandent inlassablement qu'on leur raconte la même histoire, à la virgule près. D'ailleurs, dans l'épisode 6, je ne peux pas m'empêcher de penser que Lucas n'aurait pas dû faire sortir une espèce de tête du gouffre dans lequel Jabba fait précipiter Luke et Han Solo (dans la dernière version), c'était plus terrifiant de voir simplement ce trou béant. Mais je lui pardonne.

Je me souviens aussi de la première fois où la respiration de Dark Vador s'est faite entendre au cinéma. L'ambiance dans la salle - archi-comble ça va sans dire - était incroyable. Lucas faisait naître un mythe, juste devant nos yeux, alors que ça fait 30 ans que Dark Vador est connu. Putain quelle émotion ! Voir naître ce personnage qu'on a tellement adoré détester, et savoir qu'on ne pourra plus jamais regarder les épisodes 4, 5 et 6 comme avant. Bien joué Monsieur Lucas.

" Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine " a donc la même résonnance pour moi que les " Il était une fois " de mon enfance. Et, évidemment, ça n'a pas de prix. Voilà pourquoi j'aurai toujours besoin de ma dose de Star Wars.

Allez, " Que la Force soit avec vous ".
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11 septembre 2006 1 11 /09 /septembre /2006 18:00

1966. Dylan, épuisé par les tournées et par le rôle de prophète dont on veut l'affubler, veut retrouver le chemin de la maison. Alors il enfourche sa Triumph, et se plante. Hosto. Et le monde autour qui s'agite, qui se demande ce qu'il se passe. Deux ans sans nouvelles de ce type qui sortait un disque tous les six mois, ça fait long, et ce n'est pas normal. Mais Dylan veut juste qu'on lui foute la paix, et qu'on ne le prenne pas pour le nouveau Kennedy, ou Luther King, ou le Christ tant qu'on y est. Comme rien ne se calme, il décide de sortir de la country avec Johnny Cash, et c'est génial. D'abord parce qu'il passe pour un ringard et qu'on le laisse un peu souffler, ensuite parce que c'est vraiment bon, et que Girl from north the country, une des plus belles chansons du monde, chantée en duo par Cash et Dylan, c'est juste immense.

Toute sa carrière, Dylan n'aura fait que chanter ses morceaux et ceux des autres (Woody Guthrie, Hank Williams, Cash), en remontant aux sources de la musique traditionnelle américaine : folk, rockab', blues. Mais sa belle gueule, son génie de la phrase et du refrain qui font mouche l'ont imposé dans les années 60 comme une sorte de porte-drapeau de la contre-culture. Tout cela à son corps défendant. Bien-sûr, musicalement, sa production de 62 à 66 est hallucinante et révolutionnaire, mais pourquoi l'ériger en nouveau prophète ? Parce que l'époque s'y prêtait, et parce qu'on a tous besoin d'un type qui pense à notre place, malheureusement. Sauf que le troubadour du Village ne veut pas porter le chapeau. Il décline les propositions, les sittings pour la paix, il raille, il mord, il flingue à coup d'ironie glaçante le moindre scribouillard qui vient l'interroger sur ses textes. Il a toujours une longueur d'avance. Il sait qu'on ne change pas le monde en s'attachant à un arbre comme Joan Baez (elle doit y être encore, d'ailleurs, attachée la pauvre !), il sait qu'on doit vivre simplement dans ce monde en préservant ce à quoi on tient le plus, sans donner de leçons, sans parler de ce qu'on ne connaît pas. Voilà pourquoi il se détache, et se place en marge, ailleurs. Et c'est dans le même état d'esprit qu'il sort ces jours-ci son quarante-quatrième album intitulé Modern times rempli de vieux rock, de ballades poignantes, et de blues ancestraux, avec toujours sa voix nasillarde, qui se fait caressante (qui ne prend qu'un "r" hum), ici.

Dans ce nouvel album, tout coule, tranquillement.
C'est un disque comme si rien n'avait changé, comme si le temps s'était arrêté avant Elvis. On y entend des guitares jazzy, un peu manouches, et surtout une tripotée de morceaux franchement à ranger parmis ses plus grandes réussites. Moins crépusculaire que le somptueux Time out of mind, Modern times voit Dylan apaisé, qui prend son temps - pas un morceau en dessous des 5 minutes. Juste ce qu'il faut pour raconter une histoire. Dylan est un conteur, un story-teller et rien ne vaut une bonne histoire, n'est-ce pas ? On pourra toujours dire que c'est toujours la même chose et bla bla bla, ça n'a aucune importance. Encore une fois ceux qui disent ça sont à côté de la plaque. Ecoutez simplement les perles de ce Dylan nouveau cru comme Spirit on the water qui met le sourire aux lèvres, When the deal goes down, ballade bouleversante, ou le sommet du disque, Ain't talkin', dont le titre résume bien Dylan. Ain't talkin', just walkin' - je ne parle pas, je marche. Dylan n'est pas porte-parole, Dylan n'a rien à dire si ce n'est "tracez votre route du mieux que vous pouvez". Que rajouter à ça ? Sur près de 9 minutes, il redevient fascinant, génial, comme dans ses meilleurs enregistrements, et se paye le luxe en une phrase de synthétiser tout ce qu'il a été et continue d'être : un type comme les autres, plus ou moins paumé, mais qui continue son chemin, humblement.

Ce détachement, cette envie de faire simplement la musique qu'il aime, coûte que coûte, le rendent précieux, parce qu'il en dit plus long sur ce que ça fait une vie d'homme avec ses hauts et ses bas, ses amours (Girl from north country) ses séparations (son chef-d'oeuvre Blood on the tracks), ses rédemptions, que n'importe quel artiste engagé. A 65 ans, Dylan est plus que jamais essentiel.
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8 septembre 2006 5 08 /09 /septembre /2006 22:17

Je n'ai presque pas de souvenirs de ma vie sans guitare. J'ai commencé tôt et puis tout a tendance à s'effacer au fur et à mesure. C'était le seul instrument à la maison, et il me plaisait d'instinct ; j'ai donc décidé d'en faire, bon an mal an. Depuis, rares sont les jours où je ne la touche pas, ne serait-ce que quelques minutes, ou même simplement, par habitude, je passe l'index de ma main droite sur les six cordes, lentement, si je n'ai pas le temps ou le courage d'affronter l'instrument.

Au début, c'était plutôt facile, naturel. Même si la guitare me paraissait démesurée (pourtant j'avais une 3/4, une guitare pour enfant) chaque nouveau cours, chaque nouvel exercice, chaque nouveau petit morceau me permettaient de progresser doucement, et surtout de m'habituer à l'instrument, de le faire mien, de m'en faire un compagnon. Assis bien droit, le pied gauche sur une sorte de trépied et la guitare posée sur ma cuisse gauche, j'ai ainsi joué pendant des heures des morceaux classiques, suis passé du buté au pincé et tout roulait.

Mais rapidement, des défauts sont apparus, le premier d'entre tous étant celui à ma main gauche qui accuse un foutu angle de 45 degrés avec le manche en direction des clés. Au lieu de 90. Bref, mon auriculaire doit faire des kilomètres avant de pouvoir se poser sur une corde. Et puis, j'ai dû louper un palier, manquer une marche. J'ai arrêté de progresser, puis arrêté les cours. Néanmoins je continuais à jouer, dans un groupe (feu The Angels, R.I.P.) puis dans un autre, Beside. Passer du classique au rock n'est pas évident. Tous les repères disparaissent. Au confort de la partition, et du morceau que l'on joue seul, se substituent l'inconfort de devoir jouer sans réellement s'entendre, et l'impression de ne pas être à la hauteur, de ne pas jouer ce qu'attendent les autres. Puis, petit à petit, j'ai perdu la notion de nuance - je crois bien qu'il m'est impossible maintenant de jouer plus fort la basse ou au contraire de faire sonner les aigus.

Inconsciemment ou non, j'ai fini par occulter certains réflexes acquis pendant mes cours pour en adopter d'autres, pas forcément bons mais qui sont miens. Et puis je n'ai jamais ressenti le besoin d'avoir un répertoire de reprises sous la main, ce qui fait que j'ai toujours l'air idiot quand on me demande ce que je sais jouer. Rien, je ne sais rien jouer. L'idée de pouvoir gâcher un morceau me répugne, à quoi bon s'évertuer à jouer une merveille pour finalement ruiner l'original ? Alors j'ai joué mes propres petits bouts, qui dans le meilleur des cas ont donné des morceaux. Evidemment, le fait de ne plus jouer devant des partitions, et d'essayer parfois en vain de trouver des idées a été - et l'est encore - frustrant et décourageant. Savoir qu'on fait du sur-place, l'entendre jour après jour, passer d'une heure et demie à vingt minutes, puis dix, puis cinq, puis l'index de la main droite sur les six cordes, tout ça, mes "bras connaissent", comme dirait Bashung. Il faut s'y faire. C'est le plus dur. Comme quand le guitariste Emmet Ray - pure invention de Woody Allen - se rend compte que Django est bien le meilleur, et qu'il tremble rien qu'à l'idée de le voir, et qu'il pleure dès qu'il l'entend jouer, et s'évanouit à sa rencontre. Ou comme quand Salieri comprend le génie de Mozart et se prend en plein visage sa propre médiocrité.

Désormais, je me contente de peu. Un nouvel accord, un joli riff, simple forcément - ma technique est trop limitée - et puis peut-être les bons jours une mélodie vient se poser dessus. L'énergie d'un groupe de rock fait le reste. Parfois les morceaux décollent, parfois non. Dans ses Chroniques, Bob Dylan explique qu'il faut toujours revenir à la source, aux bases, sans ça on se perd, on se fourvoie. Il a raison. Le plus dur est de faire simple, ou mieux, de faire ce qu'il faut au moment où il le faut.

Je ne sais pas si je comprendrai un jour cet instrument. Il me refuse le droit d'aller vite, de gronder ou d'être carressant, il m'interdit la plupart des styles, il se dérobe sans arrêt et se plaît à me décourager. Et pourtant il fait partie de ma vie, et il m'est impossible de m'en détacher. Alors un jour, peut-être, j'irai à la croisée des chemins, y négocier mon âme en échange de quelques tuyaus, ou bien je me ferai cramer quelques doigts dans une vieille roulotte, on ne sait jamais. Enfin, quoi qu'il arrive, je chercherai toujours.
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