Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 mars 2007 4 01 /03 /mars /2007 13:39

Alors ça y est, c'est fait : les Stooges remettent ça. Nouvel album. Promo. Concerts. Je les ai vus à Saint-Jean de Cuves (ça ne s'invente pas, les amis) pendant un festival, l'année dernière. Alors forcément, y'a un côté "voyons voir ce qu'on a loupé juste parce qu'on n'était pas nés" dans cette affaire, d'accord. Mais bon, les Stooges, merde ! Alors, bien sûr ils ont joué deux fois I wanna be your dog, bien sûr Iggy a fait du Iggy (mais il a pas montré sa bite), mais c'est ce qu'on attendait tous. Et puis les titres des Stooges, ces riffs hallucinants, c'était vraiment bon.

Mais pourquoi ce retour ? L'argent ? L'envie de rejouer ensemble et de retrouver le secret de ces riffs que personne d'autre n'aurait pu sortir ? Lester Bangs, s'il était encore de ce monde, aurait certainement une réponse à cette question. Une réponse de taré, une réponse qui éructe sur quinze pages, avec moult digressions, une réponse en forme de trip rock ultime sous hautes influences de drogues diverses (comme le sirop pour la toux, hum).

Lester Bangs, puisque c'est de lui dont il est question, était un journaliste rock, qui a pondu des articles devenus mythiques dans Creem magazine et Rolling Stone ainsi que dans d'autres fanzines souterrains. Voilà pour la version officielle. Parce qu'en fait, si on s'en tient à ça, et qu'on considère l'état actuel de la presse rock en France, on peut se dire qu'après tout, des types dans son genre, qui pondent des articles en pompant le dossier de presse que leur a envoyé la maison de disques, à grands renforts de "nouveau groupe qui tue" ou de "ce groupe est un croisement de Jeff Buckley et de R.E.M. mâtiné de Radiohead qui jouerait dans la piaule de Beck", eh bien y'en a un paquet et qu'ils nous font copieusement chier. Sauf que Lester Bangs, lui, n'était pas un journaliste rock, mais plutôt LE journaliste rock. Capable d'insulter dans un article son directeur de rédaction, de raconter comment il finit par péter un câble à cause de sa propriétaire, vieille et acariâtre comme il se doit, dans un article consacré à... John Coltrane, de disserter sur les Clash, de vomir sur des pages et des pages sur Led Zep, et d'hurler sa passion pour le rock crétin, qui sent la bière, l'urgence, l'instinct. Le rock des Stooges, par exemple. En espérant qu'il sent encore la bière, l'urgence, l'instinct, le sexe et tout ce que le ministère de la santé regarde d'un oeil mauvais.

Ces articles ont été compilés en deux volumes Psychotic reactions et
Fêtes sanglantes parus chez Tristram en France. L'occasion d'avoir une vue d'ensemble sur le style et les goûts du bonhomme. D'abord une ligne directrice se dégage : il n'aura écrit que sur la musique. Coltrane, les Stooges, Lou Reed, Van Morrison, sont autant de héros pour lui, auprès desquels il s'est probablement cramé le cerveau, notamment Lou Reed, avec qui il entretiendra une relation d'amour/haine intense et assez malsaine : " Lou, j'ai cru comprendre que tu voulais être dominant. Ok, domine-moi. Vas-y réduis-moi en purée, pire, gouverne ma vie." Puis, il y a les articles : ils courent sur plusieurs dizaines de pages et ont désormais valeur de littérature. On a dit que les quelques centaines de personnes qui avaient acheté le premier disque du Velvet Underground à sa sortie ont immédiatement fondé un groupe ; je pense que les gens qui ont lu Lester Bangs ont eu, eux aussi, immédiatement envie d'écrire sur leurs groupes favoris, sur ce que ça vous fait un putain de disque, quand vous l'écoutez à fond, juste pour partager un peu. Et, finalement, malgré ses tentatives de devenir musicien (il a essayé de monter des groupes, sans succès, même lorsqu'il écrivait et était reconnu), il aura fini par devenir une légende rock à sa manière. Sacré Lester.
Partager cet article
Repost0

commentaires