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21 décembre 2012 5 21 /12 /décembre /2012 23:20

Lu dans Les cahiers du cinéma, un texte magnifique et qui a le mérite de dire avec justesse ce qu'est La nuit du chasseur, et ce que ça fait lorsqu'on voit ce merveilleux film. Voici le texte :

 

Sous la véranda, une femme veille dans la nuit, le fusil sur les genoux et la Bible à portée de main. Dehors, le diable veille aussi, il berce la vieille femme en fredonnant un cantique, il attend qu'elle s'épuise, et elle, elle est prête à céder, à se fondre avec lui dans le chant sous la lune, "leaning, leaning on the everlasting arms...", elle est prête à ouvrir sa porte au démon, ce chasseur nocturne qui veut attraper ses gosses et les emmener avec lui - "il ne dort donc jamais ?" demandait l'un des gosses. Jamais. La lueur d'une bougie efface l'empreinte de la silhouette du chasseur dans la nuit d'encre. Il a échappé à la surveillance de la vieille femme ; cette fois, c'est sûr, il va entrer dans la maison pour dévorer les enfants. Ca y est, il est là, mais la vieille tire un coup de fusil et le démon galope vers la grange en hurlant comme un dément.

 

La dernière fois qu'on avait entendu son cri de bête en rage, il avait de l'eau boueuse jusqu'aux cuisses, les cheveux fous, les dents serrées, le couteau à la main : devant lui, les enfants glissaient sur la rivière, dans une nuit encore plus noire, encore plus étoilée. Sur le cours de la rivière veillent deux lapins gigantesques et d'autres bestioles placides. Même si l'Amérique traverse sa Grande Dépression, pouilleuse et délabrée, il y a toujours quelqu'un pour veiller sur deux enfants abandonnés. Il faut descendre la rivière pour trouver ce veilleur. Si ce n'est pas le vieux dans sa cabane sur le fleuve qui regarde passer les bateaux à aube et se saoule d'alcool et de chagrin, ce seront les gentilles bêtes nyctalopes et la grand-mère au fusil. Veiller et protéger contre ce démon déguisé en pasteur dingue, qui se traîne dans son délire. Pour remercier la veilleuse de l'avoir sauvé du couteau du chasseur, John, le garçon, lui offre une petite pomme sertie dans un napperon. Jamais personne n'avait offert un si beau cadeau. C'est La nuit du chasseur, c'est le plus beau film du monde.

 

Jean-Philippe Tessé

 

 


 
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