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18 septembre 2006 1 18 /09 /septembre /2006 12:52

Cela faisait longtemps déjà que cette édition Quarto, rassemblant sept romans de Kerouac, ainsi que des articles et des lettres de l'écrivain, me faisait de l'oeil. D'abord dans les diverses librairies où je flânais (où je flâne toujours d'ailleurs) puis, une fois achetée, dans ma maigre - pour l'instant - bibliothèque. Les quelques 1500 pages du volume m'ont tenu à bonne distance de cette lecture pendant plusieurs mois - m'étant promis de me replonger dans l'oeuvre de Kerouac dès que j'aurais un peu plus de temps, puisque je voulais lire ce qui s'apparente à La légende de Duluoz d'une seule traite. Je dis "s'apparente" car il s'agit en fait de choix éditoriaux effectués par Gallimard. Ainsi, certains romans qui auraient pu être insérés dans La légende sont absents de ce Quarto. Néanmoins, la lecture de ce volume permet de mesurer l'importance du style de Kerouac et d'avoir une vue d'ensemble sur ce qu'est cette Légende de Duluoz.

Kerouac aura toujours eu pour ambition de créer une oeuvre cohérente, racontant son errance sur la route, et traçant le portrait de ses amis, et le moins qu'on puisse dire c'est que la lecture de ce Quarto laisse pantelant, une foule d'images en tête avec la sensation que l'ambition première de l'écrivain a été atteinte magistralement.

Des traversées des Etats-Unis en stop aux virées dans des bars au Mexique, en passant par la noirceur d'amours impossibles (relatées dans les magnifiques Tristessa, et Les souterrains), des nuits d'ivresse aux accès de mysticisme, des galères aux éternels retours, la vie de l'écrivain défile sous nos yeux à toute allure. Pour mieux repartir de plus belle dès que l'appel de la route est trop fort. La légende de Duluoz est une légende américaine, entière, parfois violente et désespérée, souvent éclairée par une volonté de vivre à fond, d'aimer et de goûter à tout, de rencontrer l'autre et de témoigner de sa vie le plus honnêtement possible. Beaucoup de personnages secondaires, croisés par Kerouac lors de ses traversées d'Est en Ouest, font l'objet de descriptions méticuleuses ou amusées, toujours respectueuses, et c'est un autre visage de l'Amérique qu'on découvre, un reflet plus souterrain. Difficile dès lors de ne pas évoquer Neal Cassady, ami de Kerouac et personnage central de Sur la route,
roman le plus connu de l'écrivain.


La photo est saisissante - pour peu que l'on se soit immergé dans l'oeuvre de Kerouac. Neal Cassady
et Jack Kerouac posant bras-dessus bras-dessous en 1952. On dirait deux frères. Et, de fait, Kerouac a probablement dû rêver Cassady en possible frère, lui qui restera à jamais marqué par la mort de son aîné Gérard, alors âgé de neuf ans et lui quatre. Neal Cassady synthétisera à lui seul cette génération qu'on a qualifiée de Beat, ces américains qui ont tenté de vivre autrement, différement de leurs contemporains. Personnage entier, fascinant, Neal Cassady rongera littéralement Kerouac, qui était prêt à le suivre n'importe où, tout en sachant que Cassady pouvait le laisser tomber à tout moment et surtout pas dans les meilleures conditions. La personnalité de ce type hors du commun a donné lieu à des pages à ranger parmi les plus importantes de la littérature américaine de la seconde moitié du 20è siècle. Certaines de ses lettres sont considérées comme des chef-d'oeuvres par Kerouac.

La quatrième de couverture de l'édition de poche de Sur la route reprenait un extrait du roman  dans lequel Kerouac le décrivait ainsi : "Un gars de l'ouest, de la race solaire, tel était Dean. Ma tante avait beau me mettre en garde contre les histoires que j'aurais aveclui, j'allais entendre l'appel d'une vie neuve, voir un horizon neuf, me fier à tout ça en pleine jeunesse ; et si je devais avoir quelques ennuis, si même Dean devait ne plus me vouloir comme copain, et me laisser tomber, comme il le ferait plus tard, crevant de faim sur un trottoir ou sur un lit d'hôpital, qu'est-ce que cela pouvait me foutre ? J'étais un jeune écrivain et je me sentais des ailes. Quelque part sur le chemin je savais qu'il y aurait des filles, des visions, tout quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare".

Qui était ce Dean ? Ce Kerouac allait-il dénicher la perle rare ? Je n'ai pas pu résister longtemps et j'ai dévoré Sur la route, à 200 à l'heure, pile au bon moment, à 16 ou 17 ans, pour répondre à ces questions et surtout pour savoir si toutes les promesses de ce court texte reproduit au dos du livre étaient tenues ou non. Depuis je l'ai lu et relu et j'ai dévoré de la même façon pas mal de ses textes. Je ne suis pas le seul à qui cette quatrième de couverture a changé la vie, alors si vous pensez qu'il existe une autre Amérique, ouvrez donc n'importe quel livre de Kerouac et laissez-vous embarquer. Qui sait, ça changera peut-être votre vie ?

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commentaires

A
Décidément, tu as beau dire... tu es aussi prolixe  que ton prof<br /> M. Autié, de Toulouse.<br /> Et d'ailleurs ton copain Max n' a t'il pas eu le même prof ?<br /> Continuez tous les deux.<br /> Et le site de Baptiste ?
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M
Au-delà de l’aspect « fraternel » qui existait entre eux deux, je crois qu’il faut prendre en compte aussi le fait que Cassady représentait pour Kerouac tout ce qu’il aurait voulu être et qu’il savait qu’il ne pourrait jamais être. C’est aussi le cas avec Ginsberg, Burrough, Corso… mais c’est encore plus vrai avec Cassady.<br />  <br /> <br /> Je m’explique. Dans « Sur la Route », Kerouac se présente comme un observateur et comme un suiveur. Il ne faut pas y voir quelque chose de péjoratif mais plutôt le fait que Kerouac a toujours été et restera toujours fasciné par « l’autre » en cela qu’il était différent de lui même. Fascination qui entrainera la peur, la trahison, l’incomprehension et toutes ces choses qui emmerdent l’homme depuis la nuit des temps dés qu’il se trouve confronté à son semblable. Ajoute à cela une sorte de lacheté romantique et tu comprend pourquoi Cassady representait tant pour Kerouac.<br />  <br /> <br /> Cassady était quelqu’un d’incroyablement vivant qui ne s’embarassait d’aucun principes, d’aucun tabous, alors que Kerouac en avait des valises entière… Il suffit de voir la manière dont Kerouac envisageait chaque relation avec une femme… Même s’il la rencontrait dans un bar complétement torché, il fallait qu’il tombe amoureux. Si jamais il devait sortir avec une femme dont il n’aimait pas la personnalité, il culpabilisait et s’en voulait pendant des semaines… Cassady n’était pas du tout comme ça. Il attirait les femmes et il tringlait tout ce qui portait une jupe. Kerouac aurait aimé pouvoir faire ça, mais il n’en été tout simplement pas capable, et il s’en voulait de ça. Il a toujours été tiraillé entre ce qu’il était et ce qu’il aurait voulu être. Peut-être que c’est d’ailleur ça qui en fait un auteur si intéressant au fond, car on ne pas le limiter seulement à son image de Beatnik. Ce n’est pas Hunter Thompson.<br />  <br /> <br /> Il enviait à Ginsberg sa liberté artistique et religieuse, à Burrough sa liberté intellectuelle et « culturelle »… Lui il était trop imprégné de son background catholique, il n’a jamais réussi à couper le cordon ombilical, et il a, mine de rien et malgrès tout ce qu’on pu dire, jamais perdu de vu le « american way of life »… il le dit mainte et mainte fois qu’il a toujours voulu avoir une femme, des mômes, un boulot… juste avant de se retracter et de « fuir », sur la route, une vie qui ne sera jamais la sienne. Alors oui il a bourlingué (Blaise si tu nous regarde…), oui il a flirté avec le boudhisme, oui il a incarné un souffle de liberté…  mais tout ça c’est toujours retourné contre lui (lire « les anges de la desolation »).<br />  <br /> <br /> Je pense d’ailleur que c’est pour tout ça que finalement il a finit alcoolique et non pas junkie comme tout ses petits camarades (Cassady y compris… lire « Acid Test » même si c’est un très mauvais livre). L’alcool est un bon compromis entre la drogue (et dérivés…la bohème, la vie artistique et bla bla bla) et la bourgeoisie (à laquelle à aspiré Kerouac, j’en suis convaincu)… Ca lui permettait de se défoncer la gueule « bourgeoisement » si tu vois ce que je veux dire… Être alcoolique quand on est écrivain comme lui, c’est plus que la plupart des gens, mais c’est moins que beaucoup d’autres (Ginsberg Burroughs en l’occurrence)… et je trouve que dans le cas présent c’est assez révélateur. Enfin, je m’arrête là car il faudrait que j’approfondisse un peu tout les nombreux aspects de Jack Kerouac pour être totalement clair… Je terminerai en disant qu’au-delà de tout ce qu’on a pu dire sur « l’écrivain vagabond » ce sont vraiment les paradoxes de l’homme Kerouac que je trouve intéressants et attendrissants. La perle rare dont il est question en 4eme de couv… il ne l’a jamais trouvée, il le sait et il en souffre. Tout le cheminement pour en arriver à cette triste conclusion est passionnant chez Kerouac. Il a écrit tout ça dans un style unique, sans faux semblants, sans littérature, sans barrières… c’est certainement derrière sa machine à écrire que Kerouac a été le plus heureux car pour une fois il était un… entier.<br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> (qu’est ce que je peux raconter comme conneries ;-))<br />  <br />
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