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22 avril 2007 7 22 /04 /avril /2007 21:37

Le 15 mai sortira Release the stars qui fera suite au génial Want two. Et, pour la première fois, c'est Rufus Wainwright lui-même qui produit l'album. 

 

Je le suis depuis ses débuts (soit presque 10 ans, les amis), et j'attends son nouvel effort comme le messie, son dernier album était tellement bon que je ne raterai la suite sous aucun prétextes.

 

C'est en 1998 que j'ai entendu parler de lui pour la première fois. Comme d'habitude, des journaleux fainéants le comparaient à Jeff Buckley. Aucun rapport entre eux, bien entendu, si ce n'est du côté de leurs pères respectifs, Tim Buckley et Loudon Wainwright, tous deux musiciens. La musique de Wainwright n'a rien à voir avec celle de Buckley fils, mais elle est tout aussi intéressante. Fasciné par les arrangements de compositeurs classiques, ce pianiste joue une musique classieuse, et est un excellent parolier. Alors, en attendant de replonger dans son univers, j'ai de quoi patienter avec le premier single Going to a town, qui est impeccable et dont voici une version. Et pour les curieux, voici un live du bonhomme qui joue, seul au piano, un des plus beaux morceaux de son précédent album.

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16 avril 2007 1 16 /04 /avril /2007 13:59


Il en va de la musique comme des séries. Les groupes les plus originaux, les plus inventifs subissent généralement le même sort que Carnivàle. Bon nombre de groupes passent ainsi totalement inaperçus (pas glamours, pas dans l'air du temps, pas immédiatement identifiables). 31 Knots en fera assurément partie. Ce trio américain vient de sortir ces jours-ci Days and nights of everything anywhere. Beau titre pour un album foisonnant, qui balance une idée à la seconde (presque), foutrement complexe, et passionnant du début à la fin.

Jetez une oreille à ce disque et vous comprendrez pourquoi ce qui suit vous paraîtra si peu éclairant, voire complètement bordélique. Ce disque est un casse-tête. Comme à mon habitude, je l'ai écouté pour la première fois en étant tranquillement allongé dans mon canapé (je fais ça généralement pour une première écoute d'un album), parce que j'arrive à ne faire que ça : écouter de la musique (combien de fois j'ai entendu des gens dire : " je suis pas capable de ne faire qu'écouter un disque, faut que je fasse autre chose en même temps", ce qui en dit quand même long sur leur rapport à la musique).

Première impression : la tête reposant sur un oreiller, le regard perdu à scruter mon plafond, je prends une bonne claque. C'est Beauty, et c'est tout simplement énorme. Un rythme électro entêtant, qui transperce tout sur son passage, une voix possédée, et me voilà déjà à taper du pied. Puis arrive probablement un des morceaux les plus tarés que j'aie jamais entendu : Sanctify tout droit sorti d'un cauchemar. Et là, forcément, je me dis que c'est le pied, qu'il n'y a que la musique pour procurer ça (bon il y a le sexe aussi - hum), se dire qu'après des milliers de disque écoutés (classique, jazz, rock, et toutes ces foutues étiquettes) il y aura toujours ici bas, quelque part, des types qui n'ont qu'un souci, créer quelque chose d'original, en roue libre et que ça me fera toujours autant d'effet.

Ensuite, 31 Knots nous sert un Savage boutique aux accents russes, un mille feuille, complétement barré, et en même temps accessible, qu'on peut fredonner. Ici réside la force de ce trio : ils sonnent complexe, et sont des musiciens visiblement très doués, mais paradoxalement, il y a une évidence dans l'architecture de leurs morceaux, et dans leurs mélodies.

Bon je suis toujours allongé, à m'en prendre plein les oreilles, et une envie furieuse de monter le son me prend. Je ne résiste pas, me lève et fait tourner d'un bon quart de tour le bouton du volume, pendant que Joe Haege hurle "ME BECOME ME BECOME ME BECOME ME !!!"

L'album défile, à toute vitesse, je suis de retour sur mon canapé, et le niveau ne faiblit pas. Evidemment, je sais, à ce moment là, que je le réécouterai un paquet de fois pour pouvoir en faire le tour, et surtout simplement parce que c'est du bon. Finalement, je n'arrive pas à décrire leur musique... Un casse-tête, puisque je vous le dis !

Le mieux c'est encore de visiter leur page myspace sur laquelle on retrouve quatre morceaux en écoute et le clip de Beauty : et comme je suis généreux les amis : c'est ici que ça se passe. Quand je pense qu'il y en a qui vont les voir demain en concert...
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5 avril 2007 4 05 /04 /avril /2007 10:32




« Au commencement de tout, juste après la grande guerre entre
le ciel et l'enfer, Dieu créa la terre.

Il la confia à ces grands singes doués de raison qu'il appelait les hommes. 
A chaque nouvelle génération naquit un être de lumière et une créature des ténèbres.
Il y eut de terrifiants combats. 
De grandes armées s'affrontèrent dans cette guerre ancestrale entre le bien et le mal. 
Il y avait de la magie alors, de la noblesse. 
Et une inimaginable cruauté. 
Oui c'était ainsi. 
Jusqu'au jour où un faux soleil explosa dans l'univers. 
L'homme échangea pour toujours l'émerveillement contre la raison. »

Samson, prologue de Carnivàle.


A l'heure où les séries triomphent (après avoir atteint pour certaines le niveau de véritables petits films - décor, scénario, etc.) et où on a tendance à nous faire passer des vessies pour des lanternes (genre Les experts) c'est désormais évident : il n'y a pas de justice en ce bas-monde. Car de toutes les nouvelles séries qui ont vu le jour récemment (Six feet under, Deadwood, Les Sopranos), Carnivàle est certainement celle qui est passée la plus inaperçue, alors que, paradoxalement, c'est sans doute une des plus originales.

Créée par Daniel Knauf, cette série, produite par HBO, chaîne de télévision américaine qui a une programmation exigeante, a pour cadre une foire itinérante, dans les années 30 aux Etats-Unis, peuplée de diseuses de bonne aventure, d'homme-lézard, de femmes à barbes, de strip-teaseues, de géants, etc. Se côtoient donc des freaks, des arnaqueurs sympathiques, des repris de justice, et des gens possédant un vrai don. Le tout dirigé par le management, qu'on ne voit jamais dans la série (au moins dans la première saison), qui donne ses directives depuis sa roulotte à quelques personnes seulement, et qui semble avoir une emprise puissante sur toute la troupe (bien que certains commencent à douter de son existence).

Avant tout, Carnivàle capte une ambiance, en prenant son temps (deux saisons de douze épisodes, pour un format de 55 minutes), ce qui permet de s'immerger littéralement dans la vie de ces forains, et dans les Etats-Unis de la grande dépression. La force de cette série réside dans la cohérence que Daniel Knauf lui a donnée (aidé en cela par des scénaristes talentueux). Ici, il ne s'agit pas de développer une histoire au gré des courbes d'audimat, ni de naviguer à vue, non. Knauf a tout imaginé dès le départ. Mêlant thèmes bibliques et surnaturel, regards sur une époque (la grande dépression, les montées des nationalismes sur les cendres de la Première guerre mondiale) et sur un microcosme (les forains de la caravane), la série installe un climat sombre, où sourd une menace - ce fameux "soleil" du prologue (un soleil nucléaire) - et où le temps semble compté. Le plus intéressant c'est que ce contre-la-montre est filmé lentement, sans effets qui viendraient surligner l'imminence du dénouement (style 24 heures chrono par exemple). D'ailleurs, les forains, ignorant ce qui se trame en silence, vaquent d'épisode en épisode à leurs occupations habituelles (aller de villes en villes, essayer de se maintenir
à flot financièrement, garder un esprit de groupe, veiller aux traditions foraines).

C'est cet univers de la foire, plus encore que les manifestations surnaturelles, qui sont au coeur de la première saison. En près de douze heures (durée approximative de chaque saison), on a le temps de déambuler dans les coins et recoins de la caravane, de comprendre les psychologies complexes des personnages, et de s'attacher à bon nombre d'entre eux. A commencer par Samson, campé par Michael J. Anderson, acteur fétiche de Lynch. Après avoir été nain de foire "Samson le magnifique" devient le gérant, relai entre les forains et le management. Fin connaisseur de toutes les ficelles du métier, charmeur à ses heures perdues, capable de se faire respecter par des gros bras malgré sa taille, Samson est un des personnages les plus attachants de la série.
Il y a aussi Sophie, fille paumée, qui entend la voix de sa mère, alors que celle-ci est plongée dans une sorte de coma, et est paralysée. Elle présente d'ailleurs d'étranges facultés, la capacité de voir certaines choses.
Il y a surtout Ben Hawkins, à la dérive, récupéré par la caravane dès le début de la série. C'est son parcours que l'on va suivre, parcours qui s'apparente à une quête identitaire, initiatique (le jeune homme semble avoir des pouvoirs qu'il devra accepter et apprendre à maîtriser).
Et nombre de personnages secondaires prennent toute leur dimension grâce aux dialogues, et aux scénarios.

Difficile de décrire cette série sans être emphatique : tout est dément, acteurs, histoires, décors, mise en scène, dialogues, absolument tout. J'ai regardé l'intégralité de la saison 1, et commencé la deuxième saison, qui sera aussi la dernière, malheureusement (HBO a dû perdre du fric dans l'affaire, ou ne pas en gagner assez faute de téléspectateurs). Apparemment la série aurait dû compter six saisons, (trois parties de deux saisons chacunes). Je n'aurais donc pu voir que le premier volet d'une trilogie. Et vu le niveau, il y a de quoi avoir des regrets...

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4 avril 2007 3 04 /04 /avril /2007 17:40


Nashville skyline est le doigt d'honneur lancé à la face de ses fans par un Dylan qui n'a qu'une envie, suivre son chemin, sans se soucier de savoir s'il révolutionne quoi que ce soit. Vous vous attendiez à du folk contestataire, ou à une énième révolution musicale, eh bien allez vous faire foutre ! Voilà en substance ce que ce bon vieux Bob crache à la figure de ses ayatollahs de fans tout au long de cet album. Et Dylan de nous servir de la country ! Nom de Dieu, l'enfoiré ! De la country, de la musique de ces bouseux de texans, qui votent Reagan encore plus vite que leurs ombres... Et qui il invite en plus ? Johnny Cash ! Ah le salop ! J'imagine la tête des crétins de tout poil, une fois que le diamant a chopé le sillon... Qu'est-ce que c'est que ça ? Qui est-ce qui chante ? Oh Girl from the north country version country ! Ils s'y attendaient pas à celle-là. Faut dire que le Bob leur faisait un beau sourire sur la pochette, un beau ptit salut, inclinant son chapeau. Et bing, un coup de couteau dans leurs foutus coeurs d'artichauts. Cruel, mais jouissif. Nashville skyline allait devenir la première pomme de discorde entre lui et ses fans. Et devenir aussi une preuve absolue de son génie, de son intégrité, et de la connerie sans fond des fans (en général, pas seulement ceux que se trimballe Dylan). Dernière incompréhension en date : Modern times, son dernier album, qu'un de ces fans bas du front a eu la mauvaise idée de descendre en flèche, avec des arguments qui étaient recevables, jusqu'à la dernière ligne : "de toute façon depuis 1964 Dylan n'a rien sorti de bon !" Ah ! Il a dû en chialer de rage en entendant Nashville skyline celui-là. En plus il a du tout acheter du Zim malgré son aversion croissante (depuis 1964 !), le con.

Ce genre de réactions est symptomatique de la manière dont est perçu Dylan : coincé à jamais en noir et blanc, la tignasse en bataille, le regard vif de celui qui sait qu'il sera grand, dans les années 60. Et bordel, Blood on the tracks en 75, c'est quoi, Hein ? De la merde ? Bah non, juste un de ses plus grands disques. On retrouve ce genre de réactions pour tous les artistes : il suffit qu'un type sorte une oeuvre vraiment importante pour que des tonnes de gens lui demandent de refaire sempiternellement la même chose.

Mais Nashville skyline est surtout incontournable car il capture le travail que Dylan a effectué sur sa voix. Jamais je n'ai entendu un type changer de voix ainsi. Elle est méconnaissable. D'ailleurs la première fois que je l'ai entendue, je n'ai pas reconnu Dylan ! Tout a changé, son timbre, sa diction, c'est comme s'il s'était fait greffer la voix de quelqu'un d'autre. Le résultat est saisissant. Chapeau bas Monsieur Dylan.
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20 mars 2007 2 20 /03 /mars /2007 22:14


En ce moment, il est possible, pour moins de douze euros les amis, d'avoir non pas un, mais deux albums de Thelonious Monk ; un dans lequel il joue seul du piano, Piano solo, et un album sorti chez Columbia, It's monk's time, où il est entouré d'un groupe (saxophone ténor, basse et batterie). L'occasion, sans se ruiner, de découvrir -ou redécouvrir pour ceux qui connaissent déjà -, ce musicien hors normes. Ces deux disques ne représentent qu'une infime partie de la discographie du pianiste, qui compte près de 50 disques, mais ils sont une porte d'entrée idéale dans son univers.

Piano solo permet, en neuf morceaux, d'approcher au plus près de son jeu si atypique, et en tendant bien l'oreille on peut même l'entendre psalmodier les notes qu'il joue. Seul, il habite les morceaux de sa rythmique toujours à la limite de la rupture, de "son tempo intérieur" si particulier. Ce disque est un témoignage nu, sans fard, de la musique de Thelonious Monk.

It's monk's time, sorti en 1964 chez Columbia (vous savez tout le bien que je pense de cette vénérable maison - songez à ça : ils ont Cash, Dylan, Miles Davis...), correspond au moment de gloire pour Monk : couverture du Time, et début de succès qui dépasse les frontières des afficionados du Jazz. Accompagné d'un groupe, Thelonious Monk a toujours ce jeu exigeant et unique, inimitable.

"Unique" : c'est bien ce qui peut le définir le mieux, et comme l'écrit Dick Katz dans les notes de pochette de
It's monk's time : "même le clonage ne pourrait donner naissance à un autre Thelonious Monk !". Voilà qui est parlé.
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17 mars 2007 6 17 /03 /mars /2007 14:53

"Hey ! Musiciens, jouez moi un air sombre et large où se noie et plonge mon âme. O Musiciens, faites vibrer comme une corde mon âme triste, à la briser. Je veux une chanson qui morde, avec la douceur d'un baiser, je suis ivre et je meurs d'amour."

Tony Gatlif

Dans le cadre du festival mayennais Reflets du cinéma, ayant pour thème cette année les frontières (géographiques, métaphysiques, intimes, etc.), j'ai eu l'opportunité de voir Transylvania, un film de Tony Gatlif, avec Asia Argento. Je connaissais un peu le travail de Gatlif, et ses centres d'intérêts pour avoir vu Gadjo Dilo, il y a quelques années, aussi je n'ai pas été surpris de retrouver ce qui fait la particularité de son cinéma dans son dernier film. En revanche, je ne me souvenais pas qu'il filmait aussi bien. L'histoire est simple, ce qui ne veut pas dire que le scénario n'est qu'un prétexte pour filmer sa Roumanie, avec ses excès, son trop plein de vie, de musique, de croyances... Zingarina (Asia Argento) est à la recherche de son petit ami. Elle est accompagnée de Marie, pour cette quête. Mais rapidement, elle le retrouve, et se fait rejeter. Elle largue Marie et se retrouve seule, enceinte, en proie à des hallucinations. Sur la route, elle croise Tchangalo, un homme entier, libre, qui ne peut pas dormir "entre quatre murs" comme il le dit lui-même, et qu'elle avait aperçu dans un café. Entre ces deux personnalités extrêmes se nouent des rapports complexes et intenses.

Gatlif filme merveilleusement, il donne corps aux démons qui hantent Zingarina. J'ai trouvé le film très sensoriel, je ne sais pas si je m'exprime clairement. C'est une invitation à tous les excès : excès de musique (la scène très drôle où Marie et Zingarina sont escortées jusqu'à pas d'heure par deux violonistes que rien ne semble pouvoir arrêter), excès de boisson, de danse, d'amour, de folie...

Asia Argento est impressionnante en femme au bord de la folie, et Biro Unel... ce serait dingue qu'après ça on ne le voit plus tant son talent crève l'écran. Il campe un Tchangalo, personnage errant, qui achète à bas prix des vieilleries pour les revendre plus cher ailleurs... toujours ailleurs. Il dort à la belle étoile, s'installe tout de même un lustre (avant de le revendre), qu'il pend à un arbre...

Et bien-sûr, il y a la musique, qui traverse tout le film, et qu'a composée Tony Gatlif. Elle rythme les errances des personnages, et devient un personnage à part entière. tantôt fiévreuse, tantôt désespérée, souvent les deux en même temps.

Le toujours génial Jean Rochefort a dit un jour, je ne sais plus où : "le bonheur, ça empêche la joie de vivre". Les personnages de Gatlif ont la joie de vivre dans le sang. Ils ne connaîtront jamais le bonheur, mais au moins ils auront vécu intensément.
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11 mars 2007 7 11 /03 /mars /2007 20:38

Avouez que ça en jette pas mal comme titre les amis ! Eh oui, j'ai eu la chance d'assister à la représentation de Madame Butterfly, l'opéra de Puccini, à Londres, au Royal Albert Hall - le tout joué par le Royal Philarmonic Orchestra, s'il vous plaît. C'est pas tous les jours qu'on se paie un opéra à Londres, et puis quel opéra ! Je suis néophyte en la matière, mais des quelques-uns que j'ai écoutés, celui-là est sans doute le plus puissant, le plus bouleversant. Puccini y va à fond, dans le genre tragédie on peut difficilement faire mieux.

Je l'ai découvert sur les conseils de mon frère à qui j'avais demandé de me conseiller son opéra favori. Il m'a répondu immédiatement
Madame Butterfly, et m'a filé l'enregistrement. C'était il y a quelques mois. Puis, un week end à londres et coup de chance inouï, il passe au Royal Albert Hall et il reste des places, pas chères qui plus est. L'occasion était trop belle et j'ai pu profiter du spectacle à fond étant donné que je connais l'opéra par coeur (je l'écoute sans arrêt depuis que mon frère me l'a conseillé).

Rendez-vous était donc pris à 7.30 pm comme ils disent, à cette salle mythique qu'est le Royal Albert Hall. Après un thé - comme il se doit - dans un minuscule café, on récupère les places, et on s'installe, avec une vue plongeante sur la scène circulaire, lieu du drame qui se prépare. Le décor est superbe, on voit une maison japonaise, entourée d'un jardin baignant dans l'eau. Puis à l'heure précise, le Royal Albert Hall se remplit en quelques secondes, les lumières se baissent et la musique de Puccini résonne. La suite, c'est trois heures absolument intouchables, pendu aux lèvres de Butterfly.

Les Anglais, qui ne font jamais rien comme tout le monde, ont fait traduire le livret de Puccini, mais ça ne m'a pas gêné plus que ça. Parfois c'était un peu moins coulant, c'est tout. Les interprètes étaient fabuleux, la mise en scène, sobre et élégante, l'endroit magique. Et puis, il n'y a rien à jeter dans cet opéra, les thèmes sont magnifiques, puissants quand il s'agit de Pinkerton, l'Américain (d'ailleurs, Puccini a inséré des passages de l'hymne américain dans sa partition), plus léger et raffiné quand il s'agit de Butterfly, la Japonaise.

Et cette fin, ah cette fin... ça colle des frissons. Mais ne comptez pas sur moi pour vous la raconter.
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1 mars 2007 4 01 /03 /mars /2007 13:39

Alors ça y est, c'est fait : les Stooges remettent ça. Nouvel album. Promo. Concerts. Je les ai vus à Saint-Jean de Cuves (ça ne s'invente pas, les amis) pendant un festival, l'année dernière. Alors forcément, y'a un côté "voyons voir ce qu'on a loupé juste parce qu'on n'était pas nés" dans cette affaire, d'accord. Mais bon, les Stooges, merde ! Alors, bien sûr ils ont joué deux fois I wanna be your dog, bien sûr Iggy a fait du Iggy (mais il a pas montré sa bite), mais c'est ce qu'on attendait tous. Et puis les titres des Stooges, ces riffs hallucinants, c'était vraiment bon.

Mais pourquoi ce retour ? L'argent ? L'envie de rejouer ensemble et de retrouver le secret de ces riffs que personne d'autre n'aurait pu sortir ? Lester Bangs, s'il était encore de ce monde, aurait certainement une réponse à cette question. Une réponse de taré, une réponse qui éructe sur quinze pages, avec moult digressions, une réponse en forme de trip rock ultime sous hautes influences de drogues diverses (comme le sirop pour la toux, hum).

Lester Bangs, puisque c'est de lui dont il est question, était un journaliste rock, qui a pondu des articles devenus mythiques dans Creem magazine et Rolling Stone ainsi que dans d'autres fanzines souterrains. Voilà pour la version officielle. Parce qu'en fait, si on s'en tient à ça, et qu'on considère l'état actuel de la presse rock en France, on peut se dire qu'après tout, des types dans son genre, qui pondent des articles en pompant le dossier de presse que leur a envoyé la maison de disques, à grands renforts de "nouveau groupe qui tue" ou de "ce groupe est un croisement de Jeff Buckley et de R.E.M. mâtiné de Radiohead qui jouerait dans la piaule de Beck", eh bien y'en a un paquet et qu'ils nous font copieusement chier. Sauf que Lester Bangs, lui, n'était pas un journaliste rock, mais plutôt LE journaliste rock. Capable d'insulter dans un article son directeur de rédaction, de raconter comment il finit par péter un câble à cause de sa propriétaire, vieille et acariâtre comme il se doit, dans un article consacré à... John Coltrane, de disserter sur les Clash, de vomir sur des pages et des pages sur Led Zep, et d'hurler sa passion pour le rock crétin, qui sent la bière, l'urgence, l'instinct. Le rock des Stooges, par exemple. En espérant qu'il sent encore la bière, l'urgence, l'instinct, le sexe et tout ce que le ministère de la santé regarde d'un oeil mauvais.

Ces articles ont été compilés en deux volumes Psychotic reactions et
Fêtes sanglantes parus chez Tristram en France. L'occasion d'avoir une vue d'ensemble sur le style et les goûts du bonhomme. D'abord une ligne directrice se dégage : il n'aura écrit que sur la musique. Coltrane, les Stooges, Lou Reed, Van Morrison, sont autant de héros pour lui, auprès desquels il s'est probablement cramé le cerveau, notamment Lou Reed, avec qui il entretiendra une relation d'amour/haine intense et assez malsaine : " Lou, j'ai cru comprendre que tu voulais être dominant. Ok, domine-moi. Vas-y réduis-moi en purée, pire, gouverne ma vie." Puis, il y a les articles : ils courent sur plusieurs dizaines de pages et ont désormais valeur de littérature. On a dit que les quelques centaines de personnes qui avaient acheté le premier disque du Velvet Underground à sa sortie ont immédiatement fondé un groupe ; je pense que les gens qui ont lu Lester Bangs ont eu, eux aussi, immédiatement envie d'écrire sur leurs groupes favoris, sur ce que ça vous fait un putain de disque, quand vous l'écoutez à fond, juste pour partager un peu. Et, finalement, malgré ses tentatives de devenir musicien (il a essayé de monter des groupes, sans succès, même lorsqu'il écrivait et était reconnu), il aura fini par devenir une légende rock à sa manière. Sacré Lester.
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23 février 2007 5 23 /02 /février /2007 11:33


Dans la série des doubles-album mythiques des années 90, après Mellon Collie and the Infinite sadness, il y a eu The Texas Jerusalem Crossroad, premier album de Lift to experience, groupe de Josh pearson qui a splitté et n'aura donc sorti qu'un seul disque. Mais quel disque ! Un double-album conceptuel d'une beauté et d'une intensité rares qui n'a pas laissé indifférents les gens qui l'ont écouté. Après ce coup de maître hallucinant (quel groupe pourrait se permettre dès son premier album de sortir un double-album conceptuel dont la majorité du propos tourne autour de la Bible et de l'apocalypse ?), Josh Pearson, dont l'aura n'a guère diminué malgré les six années qui le séparent maintenant du premier disque de Lift to experience, continue son bonhomme de chemin seul, de petites salles en bars, jouant un peu partout en Europe et aux Etats-Unis, de manière assez confidentielle.

Mais, grâce à l'ami Max - toujours à l'affût -, j'ai su qu'il passait par Rennes, dans un bar appelé le 1929. Le concert était fixé au 22 février, et bien évidemment je n'aurais loupé ça pour rien au monde.

Le décor était idéal. Le 1929 est un bar sombre et enfumé, situé dans une impasse style coupe-gorge, la bière n'y est pas chère et vu le nombre d'affiches sur les murs, un bon paquet de musiciens ont du y passer. La scène, minuscule au fond du bar, est simplement éclairée d'un néon rouge style enseigne de bar-tabac, on a l'impression d'être dans Blade runner.

Ce soir-là, trois musiciens se partageaient l'affiche. Et pour une fois, les premières parties n'étaient pas trop pénibles. Au contraire même. Le premier à venir sur scène était aussi un barbu, mais pas de quoi affoler Josh Pearson ! Il jouait des chansons folk, des traditionnels, il sonnait un peu country, une voix agréable, un bon jeu de guitare, bref pas mal du tout. Petite pause, et là divine surprise : Nick Drake résonne dans le bar. Nom de Dieu, c'est la première fois de ma vie que j'entends du Nick Drake dans un bar. Puis vient le deuxième musicien de la soirée (j'ai oublié son nom, comme celui du premier d'ailleurs) qui reprend du Midlake, ce qui est plutôt intéressant, et qui est le sosie parfait de... George Clooney (eh oui mesdemoiselles - en espérant que des demoiselles lisent ce blog). Même tête, même mimique.

Puis il arrive, il débarque à 23h et des poussières et lance un "bonsoir, je suis Josh Pearson". Il s'asseoit, son éternel stetson vissé sur la tête, plus hirsute que jamais, vieux t-shirt blanc usé, jean noir et santiags fatiguées, empoigne sa guitare et commence à en tirer des sons venus d'on ne sait où, qui font souffler la poussière et danser des démons dans la salle. Le chant est possédé, tantôt il éclate, tantôt il est murmurant. Les morceaux s'étirent, prennent leur temps, entre passages violents et calmes. Parfois, le jeu de guitare me rappelle Neil Young et je me retrouve dans la peau d'un Johnny Depp, ni tout à fait vivant, ni tout à fait mort, comme dans Dead man. Parfois c'est le déluge sous ses doigts et les mots qui sortent de sa bouche deviennent des mantras hypnotiques.
Mais comment fait-il pour sortir de pareils sons de sa gratte ? Impossible de répondre, même après l'avoir vu deux fois.

Quant à sa voix... Je me souviens qu'il était comparé à Jeff Buckley (quand Lift to experience a sorti son Texas Jerusalem croosroad) par des journaleux fainéants (dès qu'un type a une voix on le compare à Jeff Buckley, oubliant au passage que le père - Tim Buckley - chantait mieux). A cette comparaison il répondait simplement qu'il estimait qu'il se devait d'apporter un soin particulier à son chant. Pour vous donner une idée de ce qu'est cette voix, allez voir le seul clip de Lift to experience ici
, vous m'en direz des nouvelles les amis. Le plus impressionnant c'est d'assister à ça en direct, d'entendre cette voix, venu du plus profond de son être, emplir le bar. Difficile, à le voir comme ça, caché derrière son imposante barbe, de s'imaginer que ce type a une voix d'ange. Et pourtant, à bien le regarder, on aperçoit des traits fins, de jeune homme, sous le stetson.

Sans artifice, assis seul avec sa guitare, Josh Pearson aura livré un concert d'une intensité étourdissante, pour finalement terminer par ces mots
répétés à l'infini, comme pour en faire sortir un sens inédit ou caché : "the devil's on the run, the devil's on the run, let's have some fun". Quant à moi, je sors du bar quelque peu sonné et hanté par ses morceaux fabuleux, heureux d'avoir pu écouter une nouvelle fois ce type hors du commun. Beau Diable, ce Josh Pearson.
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17 février 2007 6 17 /02 /février /2007 17:29

Ce disque m'a suivi tout le long du lycée, de mes 15 ans à mes 17 ans. Inusable, il était le pote vers qui me tourner quand le besoin se faisait sentir. Il avait assez de rage pour contenir la mienne, assez de mélancolie pour faire écho à la mienne, assez de beautés pour faire oublier la laideur autour, assez de mélodies pour faire taire la médiocrité autour. Il est l'oeuvre d'un génie, Billy Corgan, qui a su trouver en lui le talent nécessaire pour venir à bout de ce disque fleuve.

Mais je vais essayer de procéder dans l'ordre. Pour commencer, donc, il y a la pochette. Les Pumpkins ont toujours eu le plus profond respect pour les personnes qui achètent leurs disques ou des tickets pour leurs concerts, leurs pochettes sont des modèles, celle de Mellon Collie est magnifique. Peuplée de lapins jouant au base-ball ou fumant le narguilé, de chats en train de se marier, elle présente aussi un petit dessin (un genre de gravure) pour chaque morceau, ainsi que toutes les paroles, ce qui permet de se rendre compte de l'imagination sans limite qui a irrigué le cerveau de Corgan tout au long de l'enregistrement du disque. Elle permet surtout de rentrer directement dans l'univers particulier des Pumpkins, à la fois enfantin et sombre.

Surtout, il y a la musique. Et là, quand on a 15 ans, il faut
déjà un certain temps pour digérer ce double-album, ces près de 2h de musique, ces 28 morceaux... pourtant j'étais pas non plus un de ces gosses qui carburaient aux cds 2 titres (j'en ai acheté comme tout le monde, cela dit). Mais la somme que représente ce disque m'impressionnait  - et m'impressionne toujours d'ailleurs. Se décider à l'écouter, c'est prévoir deux bonnes heures, deux heures pendant lesquelles on se soustrait du monde réel, deux heures intenses pendant lesquelles Billy le sorcier va me faire passer par tous les états : en colère, amoureux, rêveur, euphorique...

Dès l'ouverture de l'album (le premier cd s'appelle Dawn to dusk, le second Twilight to starlight), et alors que je m'attendais à des décharges furieuses, les Smashing Pumpkins jouent la carte de la sobriété avec une mélodie délicate jouée au piano - première surprise. Puis arrive Tonight tonight et là, impossible de ne pas parler de Jimmy Chamberlin, le batteur, qui est tout simplement fabuleux, et qui joue de son instrument avec une force et une intelligence impressionnantes. Il est la clé de voûte du son Pumpkins, celui qui fait décoller les morceaux de Corgan, il est celui qui fait parler la poudre, qui tape à 300 à l'heure, mais aussi celui qui sait faire simple au bon moment, comme la rythmique de Lily (my one and only), il est celui qui marque les esprits, tout simplement. Tonight Tonight est le premier chef-d'oeuvre de cet album. Les cordes sont impériales, la mélodie limpide, le final à couper le souffle. Le clip du morceau est un hommage émouvant à Méliès, au cinéma du début, avec des décors en carton-pâte et une imagination débordante, naïve. Puis Jellybelly remet les pendules à l'heure : les grosses guitares sont de retour. Zero confirme la tendance. Ce morceau, qui sortira en single, montre un Corgan au sommet du dégoût de soi ("I'm your zero") et pourtant malgré la violence du morceau, on peut dire que c'est une chanson d'amour "she's all i really need, she's my one and only". Les moceaux s'enchaînent et on arrive au sixième, sorti lui aussi en single, Bullet with butterfly wings : trois singles en six morceaux, pas mal, non ?

La violence éclate avec An ode to no one et le menaçant Love, avant l'apaisement par le rêve : Cupid de locke, morceau hallucinant de beauté. Une harpe magique l'enveloppe, et ce bon vieux Billy termine en murmurant le mot "love". Je me souviendrais toujours du choc esthétique que j'ai ressenti à l'écoute de ce morceau, l'impression de flotter, la chair de poule, la certitude de tenir là un des plus beaux moments de musique.

Le premier cd, comme le second d'ailleurs, s'achève par une douceur signée James Iha, le guitariste effacé du groupe. Juste le temps de reprendre ses esprits, avant de s'en remettre plein les oreilles avec la deuxième galette. Sortir un double-album réussi de bout en bout n'est pas chose aisée, ce n'est pas donné à tout le monde. Mais l'entreprise n'a pas découragé Corgan, au sommet de son art. Twilight to starlight commence donc aussi violemment que Dawn to dusk avait terminé calmement. Where boys fear to tread et Bodies sont sans concessions, et le constat est sans appel : "love is suicide" hurle Corgan sur Bodies. Puis, comme dans Dawn to dusk, le calme arrive après la tempête, avec des morceaux comme Thirty-three, sorti en single, In the arms of sleep et surtout 1979, peut-être un des plus gros succès du groupe, morceau que Beside avait repris en son temps (eh oui les amis !) et qui a donné lieu à un projet du Bill que je suis absolument vert d'avoir loupé.

Twilight to starlight est tout aussi schyzophrène que Dawn to dusk : violent, sombre il est aussi apaisé, malicieux (We only come out at night) mélancolique. Stumbleine est une ballade folk, nue, désespérée, alors que le morceau qui suit, x.y.u, est certainement le plus abrasif du disque, sept minutes de métal surchauffé, de rage trop longtemps contenue et qui déborde. Un truc à vous lessiver le crâne. A souffler le chaud et froid, Corgan déboussole, rend dingue, maintient la vigilance au plus haut. Puis vient We only come out at night et le temps est définitivement à l'apaisement, à la poésie, et aux adieux : Farewell and goodnight, on espère que ça vous a plu. Corgan a encore quelques perles en réserve, dont le somptueux Lily (my one and only) un peu bancal et tellement touchant : '"i can't hardly wait till i see her". Puis les Pumpkins nous font un dernier signe de la main, même D'arcy vient chanter, avec Iha et Corgan et on n'a pas envie que ça s'arrête. Pourtant le même piano que celui du premier morceau résonne de nouveau, la boucle est bouclée et il est vraiment l'heure de se quitter.

Pour un gosse de 15 ans, ce disque prenait l'allure d'un chef-d'oeuvre monstrueux, orgiaque, qui vrillait les tympans, un labyrinthe où l'on croisait pêle-mêle le lapin d'Alice, des vampires, Méliès, des vastes océans. Il devenait le symbole de tout ce que doit être la musique : riche, variée, belle et profonde, crue et violente, habitée. Pour un gosse de 15 ans, écouter We only come out at night c'était les mercredis après-midi pluvieux, écouter
x.y.u c'était se plaire à se foutre les jetons, écouter Bodies c'était hurler "love is suicide" à en perdre haleine, écouter Farewell and goodnight c'était entendre le piano de la fin et avoir envie de remettre l'album une fois de plus, pour deux nouvelles heures loin de tout.

J'aurais toujours 15 ans quand j'écouterais Mellon Collie and the Infinite sadness. Ce disque fait partie de moi.
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